Trois (3) journalistes burkinabè interpellés la semaine dernière pour avoir prononcé ou relayé des propos critiquant le régime militaire sont réapparus dans une vidéo, réquisitionnés au front pour « couvrir la réalité » de la lutte antijihadiste.
Le 24 mars, le président de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) Guézouma Sanogo et son vice-président Boukari Ouoba avaient été arrêtés à Ouagadougou et emmenés vers une destination inconnue.
Quelques jours plus tôt, ils avaient dénoncé publiquement la multiplication des « atteintes à la liberté d’expression et de presse », qui ont selon eux « atteint un niveau jamais égalé » dans ce pays gouverné depuis septembre 2022 par une junte autoritaire.
Un troisième journaliste, Luc Pagbelguem, avait été emmené le 26 mars pour avoir fait un reportage sur ces propos. Il avait par ailleurs été suspendu deux semaines par le Conseil supérieur de la communication, le gendarme des médias burkinabè.
Les trois hommes ont réapparu dans une vidéo, largement partagée depuis mercredi soir notamment par des comptes soutenant la junte sur les réseaux sociaux.
Dans cette vidéo, les trois hommes semblent à l’intérieur d’une caserne militaire, en zone rurale, le crâne rasé et vêtus de treillis, répondant à des questions d’un militaire.
Ils y vantent la nécessité de « couvrir la réalité sur le terrain », sans qu’il soit possible de déterminer si ces réponses ont été données sous la contrainte ou non.
« On est arrivé ici dans des circonstances particulières, mais nous apprécions cette occasion qu’on a de pouvoir rendre compte de la réalité », assure Boukari Ouoba, aux côtés des deux autres journalistes.
« Étant à Ouagadougou, ce qu’on peut faire ce sont des commentaires, des opinions qu’on donne », poursuit-il, estimant que « la vraie information est sur le terrain : il faut venir toucher du doigt la réalité des populations pour pouvoir en rendre compte ».
Le Burkina Faso est dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré qui a pris le pouvoir par un putsch en septembre 2022.
Les « réquisitions » – l’enrôlement forcé dans les forces de sécurité pour participer sur le front à la lutte antijihadiste, grâce à un décret de mobilisation publié en 2023 – ciblent régulièrement des voix critiques du régime, qui assume cette politique.
« Nous ne sommes pas dans une démocratie. Nous sommes bien en révolution progressiste populaire. On ne fait pas de révolution dans le désordre, c’est impossible », a lancé mardi le capitaine Traoré dans un message à la Nation.
La junte burkinabè, appuyée par un réseau de cyberactivistes très présents sur les réseaux, réprime régulièrement les voix dissidentes au nom de la guerre qu’elle mène contre les jihadistes, dont les attaques ensanglantent régulièrement le pays depuis 2015.
© Agence France-Presse